Plat emblématique de la cuisine milanaise, l’osso buco évoque immédiatement le parfum du veau mijoté, la douceur de la gremolata et la générosité d’un plat mijoté à partager. Mais quand il s’agit de l’accompagner d’un vin, la question revient souvent : faut-il rester fidèle aux rouges italiens ou oser l’accord avec un vin français ? Spoiler : les deux options sont valables… à condition de bien choisir.
Un plat mitonné, riche et aromatique
L’osso buco, littéralement « os troué », fait référence au jarret de veau coupé avec l’os, que l’on fait mijoter longuement avec carottes, tomates, céleri, vin blanc sec et bouillon. Il est généralement servi avec un risotto alla milanese, pâtes fraîches ou polenta. Le tout est relevé, à la fin, par une gremolata : ce mélange de zeste de citron, ail et persil frais apporte une touche d’acidité et de fraîcheur bienvenue.
On est donc face à un plat à la texture bien fondante, avec une sauce généreuse, légèrement acidulée et une richesse aromatique qui appelle la compagnie d’un vin structuré, mais pas envahissant. L’osso buco a besoin de complexité, de matière et d’un peu de tension en bouche. Exit les rouges trop puissants en alcool ou les tanins trop astringents — au risque d’écraser la délicatesse de la viande de veau.
Les rouges italiens : l’accord du terroir
Il est toujours tentant de rester local : un plat milanais ? Un vin italien, bien sûr. Et ce serait tout sauf une erreur.
- Un Barbera d’Asti ou d’Alba : Ce cépage piémontais produit des vins de belle acidité, avec des notes de cerise, un profil fruité et une certaine fraîcheur. Il accompagne joliment la sauce tomate de l’osso buco, tout en respectant la tendreté du veau.
- Un Chianti Classico : Basé sur le Sangiovese, le Chianti offre des tanins modérés, une bonne vivacité et des arômes de fruits rouges et d’herbes séchées. C’est un compagnon naturel de plats mijotés à base de tomate, comme l’osso buco.
- Un Vino Nobile di Montepulciano : Moins connu que le Brunello mais souvent plus accessible, c’est un vin noble, au nez de prune, tabac et cuir, qui soutient avec élégance un plat généreux sans le dominer.
- Un Nero d’Avola de Sicile : Si vous aimez les accords un peu plus audacieux, cette variété sicilienne, avec ses fruits mûrs, ses épices et une belle rondeur, peut surprendre en apportant du soleil au plat.
Dans chacun de ces cas, on reste dans la logique du terroir : un plat italien, un vin italien. Cela a du sens, d’autant plus que l’Italie regorge de rouges équilibrés qui savent jouer la subtilité. Mais que se passe-t-il si l’on veut tenter un accord à la française ?
Les rouges français : finesse et contraste maîtrisé
Ce n’est pas parce que l’osso buco chante l’Italie qu’il faut se priver des trésors de nos vignobles. La France regorge de rouges suffisamment souples et savoureux pour trouver leur place au sein de ce mariage gastronomique.
- Un Pinot Noir de Bourgogne : Voilà un choix tout en délicatesse. Son fruité acidulé, ses tanins très fins et sa capacité à accompagner les viandes blanches font de lui un candidat idéal. Un Bourgogne de la Côte de Beaune ou de la Côte Chalonnaise, pas trop boisé, pourrait faire mouche.
- Un Chinon (ou autre Cabernet Franc de Loire) : Avec ses arômes de fruits rouges, notes végétales et sa fraîcheur caractéristique, il apporte une belle vivacité à l’ensemble. Idéal si l’osso buco est préparé avec un peu plus de tomate que la recette originelle ne l’exige.
- Un Côtes-du-Rhône rouge : Assemblage de Grenache, Syrah et parfois Mourvèdre, il propose un équilibre entre fruit, épices douces et rondeur. Attention à choisir une cuvée pas trop concentrée, pour ne pas écraser le plat.
- Un Corbières ou un Minervois léger : Si on veut chercher un peu plus loin, certains terroirs du Languedoc offrent des rouges très équilibrés, notamment sur des millésimes frais. Typique d’un accord qui gagne à sortir des sentiers battus.
L’enjeu ici est de viser des rouges qui possèdent une bonne acidité, des tanins intégrés, et un fruité suffisant pour répondre aux composantes multiples du plat. Oubliez les Bordeaux tanniques ou les rouges trop boisés : l’osso buco réclame finesse et rondeur.
Et le vin blanc, dans tout ça ?
Surprise : il n’est pas interdit de se tourner vers un blanc. Oui, vous avez bien lu. Dans certaines versions (notamment sans tomate), l’osso buco devient plus délicat, plus proche d’un plat de veau en sauce blanche. Dans ce cas, certains blancs peuvent magnifier l’accord.
- Un Soave Classico : Restons italiens : ce vin blanc sec de Vénétie, à base du cépage Garganega, a la fraîcheur et la floralité nécessaires pour accompagner un osso buco version bianco.
- Un Chardonnay de Bourgogne : Surtout non boisé, il offre rondeur et tension, et pourrait parfaitement relever la gremolata sans déséquilibrer l’harmonie du plat.
- Un Vermentino de Corse ou du Languedoc : Ses notes d’agrumes et d’herbes aromatiques s’entendent bien avec le zeste de citron de la gremolata.
Là encore, il faut choisir un blanc de bonne structure, conçu pour accompagner la table plutôt que l’apéritif. C’est une option un peu moins attendue, mais parfois bluffante quand l’obsession du rouge est dépassée.
Mes accords coups de cœur
Chaque dégustation est une expérience unique, mais voici trois associations testées (et approuvées) autour d’une table animée :
- Osso buco classique (avec tomate) + Chianti Classico 2020 : Mariage évident. L’acidité du vin épouse celle de la sauce, le Sangiovese met en lumière la viande, et l’ensemble vibre d’élégance italienne.
- Osso buco sans tomate (version « in bianco ») + Soave Classico : Une finesse absolue. Le plat semble gagner en légèreté, le vin en relief. Parfait pour un déjeuner printanier.
- Osso buco généreux (tomate + risotto crémeux) + Bourgogne Pinot Noir : Quand la bourgogne tutoie la gastronomie milanaise, c’est un festival de douceur, de cerise et d’umami discret.
Quelques erreurs à éviter
Pour que l’accord vin/osso buco devienne un souvenir mémorable, voici quelques pièges à contourner :
- Éviter les rouges trop alcooleux : Le plat appelle de la douceur, pas une explosion brûlante en bouche.
- Mettre en garde contre les tanins trop rugueux : La viande est délicate, inutile d’introduire un vin qui assèche le palais.
- Ne pas sous-estimer l’acidité de la tomate : Si votre recette comporte une bonne base de tomate, choisissez un vin à l’acidité suffisante pour ne pas paraître plat.
Et enfin, souvenez-vous : mieux vaut un accord simple et bien pensé qu’un choix prestigieux mais dissonant. L’osso buco, c’est avant tout un plat de convivialité, qui appelle un vin franc, chaleureux et joyeux.
Quand le terroir devient conversation
Souvent, autour de la table, une bouteille italienne et une française se retrouvent côte à côte, et les convives en débattent joyeusement à grands renforts de dégustation. Et c’est justement là que réside le plaisir : varier, comparer, découvrir. Car au fond, un bon accord ne se résume pas à une analyse chimique. C’est une histoire de sensation, de contexte, de partage.
Alors, que boire avec un osso buco ? Un rouge italien, pour le clin d’œil au pays d’origine. Un Français, pour la générosité du terroir hexagonal. Ou un bon blanc, pour surprendre et raffiner. Tant que le vin vous raconte quelque chose, il donnera une voix nouvelle à ce plat de veau si réconfortant.
Et entre nous, si vous hésitez encore : ouvrez les deux bouteilles. Une italienne, une française. Invitez vos amis. Le meilleur accord, c’est toujours celui qu’on partage.