Le sanglier dans nos assiettes : un met sauvage au caractère affirmé
Viande noble et sauvage par excellence, le sanglier s’invite de plus en plus sur les tables des gastronomes avertis. Longtemps réservé aux repas de chasse en automne, il a su conquérir les cuisines modernes par sa richesse aromatique, sa texture vigoureuse et authentique. Mais également, par son défi : celui de l’accompagner avec un vin à la hauteur de son caractère.
Car si le gibier en général requiert un accord vin précis, le sanglier, lui, exige du répondant. Pas question ici d’un vin léger ou timoré – le musclé du vignoble doit entrer dans la danse. Alors, quel vin déboucher avec un civet de sanglier, une daube mijotée ou un rôti bien saignant ? Suivez le guide.
Pourquoi un rouge puissant est l’allié du sanglier ?
Le sanglier, même lorsqu’il est jeune, propose une chair ferme, parfois un peu sèche, mais toujours goûteuse. Cette intensité appelle un vin capable d’envelopper la viande sans s’effacer. Les rouges légers se perdraient dans cet océan de saveurs. À l’inverse, un vin rouge charpenté, riche en tanins, souvent élevé en fût, sait tenir tête au côté sauvage de l’animal et s’accorder à merveille aux épices et marinades souvent employées en cuisine.
Autre élément clé : le temps de cuisson. Cervelles moelleuses, civets longuement mijotés ou sanglier rôti au feu de bois n’ont pas le même impact sur les accords. Mais une constante demeure : les rouges puissants seront vos meilleurs alliés.
Les appellations à privilégier : nos coups de cœur
Voici une sélection d’appellations qui, par leur structure tannique et leurs arômes puissants, subliment le sanglier dans l’assiette.
- Châteauneuf-du-Pape (Rhône) : Un incontournable. Ses tanins fondus mais présents, ses arômes de garrigue, de cuir et de fruits noirs cuits dialoguent merveilleusement avec la viande de gibier. Une daube de sanglier aux herbes de Provence ? Sortez la quille !
- Cahors (Sud-Ouest) : Le territoire du Malbec rugueux mais élégant. Son côté terreux, presque animal, épouse parfaitement un sanglier mariné au vin rouge. Plus le plat est rustique, mieux il s’exprime.
- Madiran (Sud-Ouest) : Fièrement tannique, c’est LE vin de la rusticité maîtrisée. Long en bouche, profond, idéal avec les plats mijotés ou les gibiers forts. À carafer quelques heures avant pour en apprécier toute l’ampleur.
- Bandol (Provence) : Avec le Mourvèdre en maître, Bandol offre des vins structurés, épicés, de grande garde. Sur un sanglier rôti à l’ail confit et thym sauvage, c’est un envol des sens.
- Corses rouges (Patrimonio, Ajaccio, Sartène…) : Qui mieux que les îles pour comprendre l’animal sauvage ? Des vins au tempérament volcanique, souvent issus du Niellucciu, avec cette touche sauvage en écho direct à la viande. Sur un sanglier à la figue ou aux olives, c’est tout simplement divin.
À noter également : certains Côtes-du-Rhône Villages ou vacqueyras peuvent offrir un excellent rapport qualité-plaisir pour ceux dont le budget est plus serré. Ne négligez pas les vignerons indépendants ; ils recèlent souvent de jolies pépites pleines de caractère !
Les mariages selon la préparation culinaire
Tous les sangliers ne sont pas cuisinés de la même façon, et le vin doit se plier aux nuances du plat. Voici quelques associations à retenir pour des accords aussi justes que gourmands.
- En ragoût ou civet : Un sanglier mijoté dans le vin rouge, avec carottes, oignons, champignons et baies de genièvre ? Allez-y franchement avec un Madiran ou un Chinon bien charpenté. La maturité du vin renforcera la rondeur du plat.
- Sanglier rôti ou grillé : Une cuisson plus directe, une croûte caramélisée, parfois une marinade aux herbes ou aux épices. Ici, un Bandol ou un Châteauneuf-du-Pape s’impose. Leur générosité en bouche équilibre l’animalité de la viande.
- Sanglier aux fruits (figues, pruneaux, myrtilles…) : Oui, la douceur des fruits adoucit le caractère de la viande. C’est le moment de sortir un Fitou ou un Minervois, avec leur côté confituré et épicé.
- Terrine ou pâté de sanglier : En entrée, avec un pain de campagne toasté et un cornichon, choisissez un vin plus souple mais toujours structuré : un Côtes du Roussillon Villages fera merveille, ou même un Morgon un peu évolué pour sa touche terreuse subtile.
Le piège des vins trop jeunes… ou trop vieux
On pourrait se dire qu’un vin puissant, même jeune, fera l’affaire. Et pourtant, un Madiran ou un Bandol trop jeune, avec ses tanins encore fermes, peut brutaliser un plat délicat. À l’inverse, un vin trop vieux risque de perdre ses reliefs face à une viande aussi expressive que le sanglier.
Le bon âge ? En général, entre 5 et 10 ans. Les vins ont alors gagné en complexité, fondu leurs tanins, et développé des arômes tertiaires qui feront merveille en bouche : cuir, sous-bois, truffe, pruneau… Tout pour accompagner un gibier sauvage et fier de l’être.
Et si on osait des assemblages peu connus ?
Le sanglier se prête aussi à des découvertes œnologiques pour les plus curieux. Pourquoi ne pas sortir des sentiers battus ?
- Un rouge du Jura (Trousseau, Poulsard…) : Idéal avec des préparations plus légères comme un filet de jeune sanglier simplement poêlé. Il apporte une fraîcheur surprenante et subtile.
- Un rouge espagnol (Ribera del Duero, Priorat…) : Là, on monte d’un cran dans l’explosion aromatique. Ces vins ont tout ce qu’il faut : corps, bois, épices. Une fusion ibérique et sauvage… à tester absolument.
- Des rouges italiens (Aglianico, Sagrantino, Barolo) : Pour les amoureux de vins tanniques et austères dans leur jeunesse, ces crus apporteront grandeur et intensité. Attention cependant à bien les accorder avec un plat aussi fort que le vin lui-même.
L’anecdote d’Henri : le sanglier à la truffe et le vieux Bandol
Permettez une petite digression. Il y a quelques hivers, dans un froid mordant de Provence verte, je fus invité à un dîner campagnard où trônait un sanglier rôti farci aux truffes noires. Oui, farci. Le genre de plat qu’on ne goûte qu’une ou deux fois dans une vie. Le tout arrosé d’un Bandol de 2004, laissé en cave avec amour. L’accord ? Mystique. Les notes de cuir et de sous-bois dansaient littéralement avec la puissance de la viande et la richesse de la truffe. Un moment suspendu. Comme quoi, quand les bases sont bonnes (bon produit + bon vin + patience), la magie opère.
Un dernier conseil avant d’entailler votre sanglier
Quel que soit votre plat, prenez le temps de découvrir le vin en le goûtant avant le repas. Car un vin évolue beaucoup une fois ouvert. N’hésitez pas à carafer, même plusieurs heures en amont si le vin est jeune. Le sanglier aime la complexité, lui aussi. Et surtout, n’y allez pas à l’aveugle : écoutez votre palais et vos envies du moment. Car parfois, c’est un simple repas entre amis, une tablée joyeuse, et une belle bouteille bien choisie qui valent tous les bruits de cors de chasse du monde.
Alors, prêt à déboucher la bonne bouteille pour dompter la bête ?