Quand le lapin s’invite à table, le vin ne doit pas trébucher
Le lapin en cuisine évoque l’élégance d’un plat ancien mais toujours d’actualité. Viande blanche subtile, délicatement parfumée, elle se prête aussi bien aux cuissons simples qu’aux préparations en sauce. Mais pour que la magie opère à table, encore faut-il l’accompagner du bon vin. Et vous savez quoi ? Il n’y a pas qu’une seule bonne réponse : tout dépend de la cuisson, des aromates… et de l’humeur du moment !
Dans cet article, je vous propose un petit tour d’horizon gourmand des accords vins-lapin, pour ne plus jamais hésiter entre un rouge souple ou un blanc charnu quand le civet mijote ou que la moutarde chante dans la cocotte. Allons-y !
Lapin rôti : la simplicité rustique appelle la finesse
Un bon lapin rôti au four, avec quelques carottes, oignons et pommes de terre fondantes, c’est la définition même du repas dominical réussi. On est ici dans une cuisson simple, qui respecte la chair délicate du lapin sans la masquer.
Pour l’accompagner, inutile de sortir les grosses artilleries tanniques : on cherche à sublimer la finesse. Privilégiez les vins rouges légers à moyennement corsés, et pourquoi pas même un blanc ample s’il y a peu ou pas de sauce.
- Un Pinot Noir de Bourgogne : léger en tanins, finement fruité, il épouse la délicatesse du lapin sans l’écraser.
- Un Chinon ou un Saumur (Loire) : à base de Cabernet Franc, ces rouges présentent un fruit croquant, parfois une pointe végétale qui s’accorde bien aux herbes utilisées au four.
- En blanc ? Osez un Mâcon-Villages ou un blanc d’Alsace type Pinot Blanc : peu acide, rond, et parfait si la cuisson au four est accompagnée d’un jus léger.
Un petit conseil de sommelier ? Pensez à servir le rouge légèrement rafraîchi (15-16°C), surtout l’été, pour garder la légèreté du plat.
Lapin à la moutarde : la sauce fait tout… et le vin aussi
On entre ici dans une dimension plus crémeuse, plus corsée. La moutarde, surtout si elle est abondamment liée à la crème, apporte de la force et une certaine profondeur. Il faut alors que le vin tienne tête, sans tomber dans l’opposition frontale.
Le réflexe ? Le blanc ! Mais pas n’importe lequel : choisissez un vin blanc structuré, avec de la rondeur, capable de rivaliser avec la sauce sans s’éclipser.
- Un Meursault ou un Montagny (Bourgogne) : riches, beurrés, parfois légèrement boisés, ces chardonnays offrent assez de volume pour accompagner la crème et la moutarde.
- Un Riesling d’Alsace (sec) : sa droiture et ses notes citronnées apportent un contrepoint vif à la sauce, et réveillent le palais.
- Un Costières de Nîmes blanc : chaleureux, aromatique, avec des notes de fruits mûrs et d’herbes, il s’accorde très bien aux déclinaisons méridionales de ce plat.
À éviter : les blancs trop acides ou trop discrets, qui seraient écrasés par le plat. Et les rouges trop tanniques peuvent faire ressortir l’amertume de la moutarde… affaire risquée !
Lapin en sauce : le retour du bon rouge
Civet de lapin, lapin aux pruneaux, ou mijoté au vin rouge… On est là dans la tradition de la cuisine mijotée, ancrée dans le terroir. La sauce est souvent riche, concentrée, parfois même légèrement sucrée selon les ajouts (fruits secs, carottes, vin lentement réduit).
Avec ce type de préparation, il faut du vin qui a du répondant, mais sans tomber dans l’excès. Le lapin, rappelons-le, n’est pas du bœuf !
- Un Côtes-du-Rhône : souple, fruité, souvent épicé, il est le caméléon idéal pour les plats mijotés.
- Un Morgon ou un Juliénas (Beaujolais) : ne sous-estimez pas les crus du Beaujolais ! Avec leurs arômes de fruits rouges mûrs, leurs tanins fins et leurs notes florales, ils sont parfaits sur un lapin aux pruneaux.
- Un vin du Sud-Ouest : Pécharmant, Marcillac, Cahors (jeune, pas trop corsé) : ils ont cette rusticité aimable qui parle le même langage que les plats mijotés.
Un petit secret de chef ? Ajoutez un trait du vin que vous servirez dans votre sauce dès le début de la cuisson. Cela crée un pont aromatique parfait avec le vin du verre.
Et avec les lapins plus… excentriques ?
On commence à voir surgir des recettes audacieuses autour du lapin : tagines de lapin aux abricots, lapins marinés aux épices, ou cuisson à l’asiatique avec soja et gingembre. Ces versions plus créatives appellent souvent un vin plus inattendu.
- Un Gewurztraminer sec : ses arômes exotiques, sa rondeur, sa légère sucrosité parfois sont parfaits avec les épices douces et les fruits secs.
- Un Viognier du Languedoc : floral, fruité, volumineux… il répond présent sur les versions sucrées-salées.
- Un rosé structuré : pourquoi pas ? Un Tavel, un Bandol rosé, même un rosé de Provence avec peu de sucre mais du corps, font des accords surprenants et nuancés.
Ces accords-là, on les réserve aux esprits curieux qui aiment sortir des sentiers battus. Et parfois, c’est en allant exactement là que les papilles se souviendront du repas plusieurs jours après.
Et si on parlait terroir ? Le lapin, ami des vins de son sol
Une règle d’or, parfois oubliée à l’heure des accords modernes : accorder un plat avec un vin issu de la même région. Si vous cuisinez un lapin à la provençale, tapenade et herbes du jardin, un vin des Coteaux d’Aix en Provence fera forcément écho. Et un civet de lapin du Périgord appellera un Bergerac rouge, évidemment.
Cela fonctionne presque à tous les coups. Les cuisines régionales – souvent nées autour de la convivialité et des produits modestes – ont évolué avec leurs vins. La logique est imparable, et le plaisir, garanti.
Astuces bonus pour ne pas se tromper
Voici quelques repères simples à garder en tête, surtout si vous êtes en pleine hésitation devant votre cave ou au supermarché :
- Lapin + cuisson rapide, peu de sauce = vins légers, rouges ou blancs.
- Lapin + sauce crémeuse ou moutardée = blancs ronds et aromatiques, passage en fût bienvenu.
- Lapin + plat mijoté = rouges souples mais avec du coffre.
- Plats sucrés-salés = blancs aromatiques ou rosés puissants.
Et si vraiment vous hésitez, rappelez-vous que le pire vin est celui qu’on ne sert pas. Ouvrez, goûtez, et ajustez. C’est ça aussi, le plaisir de la table.
Le mot d’Henri
Le lapin, c’est un peu le caméléon de la cuisine française. Il aime le romarin, le vin rouge réduit, la crème ferme aussi bien que la touche moutardée. Et le vin, lui, ne demande qu’à s’adapter. Ce que j’aime avec ce plat, c’est qu’il ouvre une infinité d’accords – et donc d’occasions de se faire plaisir.
Dans ma propre cave, je garde toujours quelques bouteilles de Pinot Noir, de Côte-du-Rhône et de chardonnay boisé à portée de main. Ils sont les alliés sûrs d’un bon lapin. Et vous, quel vin ouvrez-vous quand le lapin mijote ?
À très bientôt autour d’un verre — ou d’un plat.
Henri Labeil